Mercredi 24 mars 2021

Points experts

Décryptage - Hausse des taux d'intérêt : une nouvelle donne pour les Emergents ?

La hausse brutale des taux d’intérêt américains a stoppé net la progression des actifs émergents à partir du mois de février dernier. Des parallèles ont été rapidement faits avec des épisodes précédents de cet ordre, et notamment le taper tantrum de mai 2013. Il nous semble qu’il faut rester prudent dans cet exercice et reprendre une analyse factuelle de la situation des pays émergents.  Celle-ci apparaît bien plus solide dans un environnement de reprise du commerce mondial. Des opportunités d’investissement dans cette zone ne manqueront donc pas de se faire jour, si le mouvement de hausse de taux reste ordonné.

A la fin de l’année 2020, l’espoir suscité par les vaccins enclenchait une phase favorable pour les Emergents. Les perspectives de reprise de la demande mondiale permettaient un rebond des actifs risqués.

Les premiers pays à bénéficier du redémarrage ont été les pays producteurs de matières premières en amont du cycle de reprise, l’Amérique latine en tête. Rappelons que cette zone a été particulièrement touchée par la crise sanitaire et ses actifs ont été largement délaissés en 2020.

Les pays dont la dépendance commerciale à la Chine est très importante ont également bénéficié du redémarrage de celle-ci. Effectivement, la Chine a ré-ouvert plus tôt son économie, dès le deuxième trimestre 2020, avec une maitrise quasi complète de la pandémie. Elle a profité de cette situation unique en inondant le monde des produits dits « covid ». L’accélération du financement de l’économie, par crédits bancaires ou émissions d’obligations publiques a permis une hausse des importations chinoises, et joué un effet d’entrainement sur le reste du monde. Plus généralement, les pays très ouverts au commerce mondial ont bénéficié de cette dynamique de reprise de la demande mondiale. C’est notamment le cas de la zone asiatique, dont les chaines de production sont particulièrement bien intégrées. A ce titre, le signal envoyé par le renforcement de la coopération à travers la signature du RCEP (partenariat régional économique global), entre 15 pays d’Asie, afin de créer une zone de libre-échange, a été très positif.

De plus, la plupart des pays émergents ont pu s’appuyer sur des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes. Certaines banques centrales ont été jusqu’à mettre en place des politiques non conventionnelles d’achats d’actifs. D’autres gouvernements, plus rares, comme le Brésil, ont distribué des fonds publics directement aux ménages les plus démunis, avec un plan d'urgence global de mesures budgétaires représentant 18,2% du PIB, soit 2 fois la moyenne des plans budgétaires des émergents. Tout ceci a permis un rebond plus rapide des économies dans le monde émergent. Les pays émergents ont ainsi vu leur taux de croissance nettement progresser en 2ème partie d’année 2020, et certains d’entre eux ont d’ores et déjà retrouvé le niveau d’activité d’avant crise : la Chine bien entendu, mais également Taiwan, l’Inde ou la Turquie.

Mais la brusque remontée des taux d'intérêt américains qui a commencé en février est venue perturber, il nous semble seulement temporairement, cet alignement des planètes émergentes.

Pourquoi envisageons-nous un mouvement de repli temporaire des investisseurs sur cette classe d’actifs ?

D’une part, nous ne pensons pas que la Réserve fédérale envisage de modifier sa politique monétaire dans un avenir proche, compte tenu avant tout de l’état du marché de l’emploi américain. N’oublions pas qu’il manque encore plus de 9 millions d’emplois au regard de la situation d’avant crise. Certes, la vaccination est rapide, et le Président américain annonce un retour à la normale pour le 4 juillet prochain, mais il faudra encore quelques mois de soutiens monétaire et budgétaire pour renforcer la reprise américaine. Les anticipations de remontée du taux des fed funds qui se matérialisent dans la remontée des taux réels pourraient être plus modestes... 

Retrouvez ci-dessous le décryptage dans son intégralité.

Laetitia Baldeschi

Responsable des Etudes et de la Stratégie chez CPR AM

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