Vendredi 05 juillet 2019

Points experts

L’Accord de Paris, étape décisive mais encore insuffisante de l’action climatique internationale

Par Pauline Marteau, publié le 05 juillet 2019

L’insistance grandissante des milieux scientifiques et associatifs sur la gravité du changement climatique en cours, la radicalité des transformations à opérer pour y faire face et l’urgence d’une telle réponse écologique, ont provoqué une réaction de la communauté internationale.

L’Accord de Paris, entré en vigueur le 4 novembre 2016, est historique. En poursuivant l’objectif ambitieux de contenir la hausse mondiale des températures à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et de fournir les efforts destinés à réduire encore cette hausse à 1,5°C, il marque le premier engagement de la communauté internationale de limiter le réchauffement climatique sous un seuil chiffré. Il s’agit donc d’un instrument d’atténuation par la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Un accord international qui repose sur l’effort national

La réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre doit se faire par le biais des « contributions déterminées au niveau national » que les 197 États signataires prévoient de réaliser et qu’ils s’engagent à communiquer tous les cinq ans. L’Accord inclut un mécanisme de révision à la hausse, imposant que chaque contribution nationale successive « représente une progression » par rapport à la précédente et « corresponde au niveau d’ambition le plus élevé possible ».

L’Accord de Paris est par ailleurs différentiel : il tient compte des « responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives » des Parties, « eu égard aux différentes situations nationales ». Il stipule ainsi que « les pays développés devraient continuer de montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de l’économie », tandis que les pays en développement, pour qui le plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre « prendra davantage de temps », s’engagent dans un premier temps à « continuer d’accroître leurs efforts d’atténuation » avant d’être en mesure de fixer des objectifs de réduction absolus.

Enfin, un « bilan mondial » de la mise en oeuvre de l’Accord sera fait périodiquement « afin d’évaluer les progrès collectifs accomplis ». Le premier aura lieu en 2023, et sera ensuite renouvelé tous les cinq ans.

Un accord peu contraignant

L’Accord de Paris, bien qu’ayant été applaudi comme un évènement historique et hautement encourageant, a fait l’objet de plusieurs critiques. La première tient au manque de contrainte juridique s’exerçant effectivement sur les États signataires, lesquels ne sont en effet soumis à aucune sanction pour manquement à leurs engagements. L’urgence du défi climatique aurait dû commander à la communauté internationale de pourvoir l’accord d’une valeur davantage incitative, ce que lui auraient sans doute conféré des dispositions coercitives.

Rappelons néanmoins que le dispositif prévu pour les contributions nationales est fondé sur la transparence, exposant l’État défaillant, ayant préalablement communiqué ses engagements, à la vindicte publique.

Reste que ces contributions nationales, si elles sont censées correspondre au « niveau d’ambition le plus élevé possible », sont soumises à la discrétion des États. En 2015 déjà, la Conférence des Parties ayant adopté l’Accord de Paris note dans le texte de sa déclaration finale que « les niveaux des émissions globales de gaz à effet de serre en 2025 et 2030 estimés sur la base des contributions prévues déterminées au niveau national ne sont pas compatibles avec des scénarios au moindre coût prévoyant une hausse de la température de 2°C ».

D’ailleurs, l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels semble déjà impossible à tenir compte tenu de la hausse des températures actuellement observable.

Sa présence dans l’Accord, symbolique, répondait à la demande des pays les plus vulnérables, dangereusement exposés à une élévation du niveau des océans.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a pourtant pointé du doigt les dangers d’un réchauffement de 2°C. Dans un rapport publié en octobre 2018, il rappelle qu’un certain nombre de conséquences néfastes pour les populations humaines et les écosystèmes naturels pourraient être évitées en limitant le réchauffement climatique à 1,5°C (source : Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C, octobre 2018)..

Ce signal d’alarme n’a pourtant pas provoqué le sursaut espéré, à peine quelques semaines plus tard, lors de la COP 24 présidée par la Pologne. Si les États sont parvenus, au terme d’âpres négociations, à établir des règles d’application communes de l’Accord de Paris, uniformisant notamment la méthode de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre nationales, ils n’ont pas consenti à rehausser leurs engagements de réduction de ces émissions d’ici à 2020. Et ce, alors que le rapport du GIEC cité plus haut préconise une réduction de 45% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010 pour limiter le réchauffement à 1,5°C, ce qui implique des efforts immédiats et inédits de transition dans tous les domaines de l’activité humaine.

Un large consensus au sein de la communauté scientifique en fait le résultat de l’activité humaine depuis la seconde moitié du vingtième siècle.

Le dioxyde de carbone (CO2) est le principal agent du réchauffement climatique. Ce gaz à effet de serre est émis par des voies naturelles telles que la respiration et les éruptions volcaniques.

Mais ce sont les activités humaines de combustion de carburants fossiles, de déforestation et d’exploitation des terres, soutenues par la croissance économique et démographique, qui ont principalement contribué à l’augmentation des émissions depuis l’époque préindustrielle.

Environ la moitié des émissions humaines cumulées de CO2 entre 1750 et 2011 ont eu lieu au cours des 40 dernières années. Elles ont même augmenté plus rapidement entre 2000 et 2010, à un rythme de 2,2% par an, qu’au cours de chacune des trois décennies précédentes, qui enregistraient alors une hausse de 1,3% par an. La décennie 2000 - 2010 a ceci de paradoxal qu’elle a vu la mise en oeuvre d’un nombre croissant de politiques visant à atténuer le changement climatique. De tels efforts, s’ils ont permis de réaliser des gains d’intensité énergétique du produit intérieur brut, n’ont pas réussi à surmonter les effets des croissances démographique et économique.

Une application en demi-teinte

D’autres points restent en suspens, reportés à la COP 25. Parmi eux figure la réforme des marchés d’émission de CO2, prévue par l’Accord de Paris pour mettre un terme aux dysfonctionnements actuels et notamment à la double comptabilisation pratiquée par certains pays. Figure également l’aide financière que les pays développés, dans l’Accord de Paris, s’engagent à fournir aux pays en voie de développement pour leur action climatique. Si les Parties ont convenu d’un plancher de 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025, il faut noter que ce montant ne figure pas dans l’Accord lui même, mais dans la déclaration finale de la COP 21, ce qui atténue sa portée juridique.

Enfin, il est certain que la décision prise par les États-Unis en 2017 de retirer leur signature de l’Accord prive ce dernier de la contribution du plus gros pollueur de la planète (en termes de quantité de CO2 émise par habitant). En établissant un précédent pour d’autres pays éventuellement tentés de ne rien entreprendre à l’encontre de ce qu’ils jugent être leur intérêt national, cette décision constitue une remise en cause profonde du multilatéralisme en mati ère environnementale.

L’Accord de Paris demeure à ce jour l’expression la plus abouti e de l’engagement mondial en faveur d’une limitation du réchauffement climatique, et à ce titre marquera l’histoire de la coopération internationale en mati ère environnementale.

Il ne doit toutefois pas en signer la fin : alors que des doutes s’expriment de toutes parts sur la réalisation de l’objectif 2°C, l’action multilatérale des États est toujours à l’ordre de jour. L’Accord de Paris n’est jamais qu’un formidable outil - reste la volonté de ces derniers pour s’en servir. Quant aux entreprises, responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre, elles seront au premier rang de sa mise en oeuvre. Enfin, les initiatives citoyennes autour du climat doivent rassembler l’ensemble des populations et non les opposer.

Par Pauline Marteau, publié le 05 juillet 2019

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