Vendredi 05 juillet 2019

Points experts

L’urgence climatique : état des lieux et perspectives

Par Pauline Marteau, publié le 05 juillet 2019

L’actuel changement climatique est exceptionnel. Son origine principalement humaine fait consensus au sein de la communauté scientifique internationale et la vitesse du réchauffement reste jusqu’alors inobservée dans l’histoire climatique. L’annulation pure et simple des changements initiés semble déjà hors d’atteinte ; l’enjeu du défi environnemental contemporain est donc de les atténuer, et ce par une politique de réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, en vue de maintenir un climat, certes réchauffé, mais vivable sans conséquence préjudiciable supplémentaire pour la biodiversité et la vie humaine.

Le réchauffement climatique est indiscutable

Certaines observations suffisent pour s’en convaincre. En ce qui concerne la température moyenne de surface, elle a augmenté d’environ 1,1°C entre l’ère préindustrielle et 2018. L’essentiel du réchauffement a eu lieu au cours des trois dernières décennies. La NASA indique que 16 des 17 années les plus chaudes ont été enregistrées depuis 2001.

Ce sont les océans qui ont absorbé la majorité du réchauffement. En témoigne le fait que les 75 premiers mètres de profondeur se sont réchauffés de 0,11°C en moyenne par décennie entre 1971 et 2010. L’élévation du niveau de la mer, estimée à 19 cm entre 1901 et 2010, résulte quant à elle de la fonte des glaces. On estime à 400 milliards de tonnes environ le retrait total des glaciers chaque année depuis 1994. La masse des nappes glaciaires a également diminué : l’Antarctique perd approximativement 118 milliards de tonnes de glace par an ; le Groenland et l’Islande 281.

Toutes ces observations s’accompagnent d’impacts sur les systèmes naturels et humains. Parmi eux, citons d’abord la survenance rapprochée d’évènements climatiques extrêmes, tels que vagues de chaleur, sécheresses, inondations, cyclones et incendies, lesquels sont susceptibles de perturber la fourniture en nourriture et en eau, de causer d’importants dommages aux infrastructures et installations, et de favoriser des risques sur la santé humaine.

Les écosystèmes naturels sont également très vulnérables : une évolution des zones de vie, des activités saisonnières, des mouvements migratoires, de l’abondance et des interactions a été observée chez de nombreuses espèces terrestres et aquatiques en réponse au changement climatique.

Un large consensus au sein de la communauté scientifique en fait le résultat de l’activité humaine depuis la seconde moitié du vingtième siècle.

Le dioxyde de carbone (CO2) est le principal agent du réchauffement climatique. Ce gaz à effet de serre est émis par des voies naturelles telles que la respiration et les éruptions volcaniques.

Mais ce sont les activités humaines de combustion de carburants fossiles, de déforestation et d’exploitation des terres, soutenues par la croissance économique et démographique, qui ont principalement contribué à l’augmentation des émissions depuis l’époque préindustrielle.

Environ la moitié des émissions humaines cumulées de CO2 entre 1750 et 2011 ont eu lieu au cours des 40 dernières années. Elles ont même augmenté plus rapidement entre 2000 et 2010, à un rythme de 2,2% par an, qu’au cours de chacune des trois décennies précédentes, qui enregistraient alors une hausse de 1,3% par an. La décennie 2000 - 2010 a ceci de paradoxal qu’elle a vu la mise en oeuvre d’un nombre croissant de politiques visant à atténuer le changement climatique. De tels efforts, s’ils ont permis de réaliser des gains d’intensité énergétique du produit intérieur brut, n’ont pas réussi à surmonter les effets des croissances démographique et économique.

Le changement climatique, déjà en partie irréversible

La température en surface va augmenter au cours du XXIème siècle. L’interrogation qui demeure est : à quel point ? « Si les émissions de CO2 suivent un scénario habituel, il y a 93% de chances pour que le réchauffement climatique dépasse les 4°C d’ici à la fin de ce siècle » et se rapproche de 5°C, conclut une étude réalisée en 2017 par des chercheurs de Stanford. Une telle estimation est selon eux plus vraisemblable que la moyenne de +3,7°C prévue dans le scénario le plus pessimiste du GIEC.

Et ce n’est pas tout… En août 2018, dans un article paru dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), des scientifiques suggèrent qu’un réchauffement « d’à peine » 2°C par rapport à l’ère préindustrielle risque d’activer une suite de mécanismes successifs conduisant à libérer d’immenses quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et précipitant, malgré les efforts de réduction entrepris, le réchauffement de la planète. C’est le scénario catastrophe d’une « Terre Étuve ».

Parmi les conséquences à prévoir dans tous les scénarios, citons l’augmentation de la fréquence et de la durée des vagues de chaleur dans les régions continentales, et des épisodes de précipitations extrêmes dans les continents des latitudes moyennes et dans les régions tropicales humides ; citons encore l’extension des régions soumises aux régimes de mousson et l’intensification de ces derniers ; les extrêmes froids, à l’inverse, seront moins nombreux.

En ce qui concerne les océans, ils vont continuer de se réchauffer et de s’acidifier, le niveau des mer de s’élever. Enfin la cryosphère sera durement affectée : la banquise de l’océan Arctique pourrait disparaître dès le mois de septembre avant le milieu du siècle. Quant aux glaciers, leur volume total va également diminuer, dans une mesure qui pourrait atteindre 85%.

Et il ne faut pas passer sous silence les conséquences économiques et sociales. De nombreux moteurs de la croissance seront durement affectés. Les évènements météorologiques extrêmes, en détériorant les infrastructures et les réseaux de service public, occasionnent un coût déjà très important, qui continuera d’augmenter. Il en va de même pour les conséquences sanitaires, qui pèseront sur les dépenses de santé. Des effets particulièrement néfastes attendent le secteur agricole, qui verra ses rendements réduits, créant un risque majeur d’insécurité alimentaire.

Sur le plan social, il est à prévoir que les changements climatiques précariseront les modes de vie des populations déjà fragiles, en moindre capacité financière et matérielle d’adaptation, accroissant de ce fait les inégalités, limitant les possibilités de développement et favorisant les déplacements de population.

Il est urgent d’entreprendre des actions pour réduire et maîtriser les risques climatiques

Les scénarios dans lesquels la hausse de la température terrestre est inférieure à 2°C par rapport à la période préindustrielle ne vont pas sans une modification sensible de nos habitudes de consommation et de notre régime alimentaire. Ils se caractérisent notamment par des émissions de gaz à effet de serre réduites de 40 à 70% d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2010, et ramenées à un niveau proche de zéro ou inférieur à zéro en 2100.

Or de telles stratégies d’atténuation, susceptibles de bouleverser les modèles économiques actuels d’exploitation des ressources, sont difficiles à mettre en oeuvre, non seulement parce qu’elles exigent des changements à grande échelle, mais également parce que leur efficacité est subordonnée à une action concertée sur le plan international. Il semble en effet peu vraisemblable qu’un État prenne seul la décision de modifier en profondeur son économie, tant les industries nationales s’en trouveraient défavorisées. En l’absence d’une action collective d’ampleur mondiale, il est à prévoir que les États, sous la pression des différents secteurs d’activité, continueront de privilégier leurs intérêts économiques propres au détriment de l’intérêt environnemental général.

Par Pauline Marteau, publié le 05 juillet 2019

... Retrouvez le document en intégralité ci-dessous.

Document

Nous contacter

Besoin d'informations complémentaires ? N'hésitez pas à nous contacter, nous vous répondrons dans les plus brefs délais.