Lundi 14 janvier 2019

Points experts

Conjoncture Économique - La Chine au pied du mur

Votre principal scénario de risque à 3 mois repose sur une perte de confiance des investisseurs qui finirait par affecter la croissance mondiale. La Chine peut-elle expliquer en partie cette tendance ?

Il est clair que la montée des tensions commerciales, peu à peu recentrées sur le commerce bilatéral entre la Chine et les États-Unis, a largement contribué à affecter la confi ance des investisseurs tout au long de l’année 2018. La concomitance avec une accumulation de mauvaises statistiques en Chine a immédiatement conduit à renforcer les inquiétudes quant à la solidité de la croissance chinoise. La plupart des observateurs ont immédiatement conclu que la guerre commerciale avait un impact négatif sur la croissance chinoise. Il nous semble toutefois que le ralentissement chinois a des origines différentes. Toujours est-il qu’un affaiblissement marqué de la croissance chinoise aura un impact non négligeable sur la croissance mondiale, d’autant plus que l’autre grande puissance, les États-Unis, a vraisemblablement dépassé le haut du cycle économique.

Quelle est donc la situation de l’économie chinoise aujourd’hui ?

Depuis fi n 2017, la croissance ralentit ; pas seulement dans les enquêtes puisque cela est visible dans la plupart des statistiques économiques du pays. Le point d’orgue ayant été la publication d’un PIB en net tassement pour le 3ème trimestre, à 6,5 % après 6,9 % fi n 2017. Si le chiffre du PIB, a priori le plus contrôlé en Chine, est en baisse, c’est bien qu’il se passe quelque chose. Contrairement à ce qui est souvent avancé, ce ralentissement ne vient pas de la demande extérieure mais plutôt de la demande intérieure. Les autorités ont mis en place plusieurs mesures de régulation dont les effets se sont matérialisés et accumulés en 2018. On peut ainsi citer le contrôle drastique du « shadow banking », qui a eu comme conséquence une réduction des modes de fi nancement, affectant en premier lieu le développement des investissements en infrastructures, les autorités locales modifi ant par ailleurs leur comportement d’investisseur, sous l’impulsion des autorités centrales dans le cadre des politiques de lutte contre la corruption. D’autres mesures ont également pesé sur l’activité, comme la lutte contre la pollution, qui s’est traduite par des fermetures d’usines. Le marché immobilier a également fait l’objet de plusieurs mesures de régulation visant à limiter la hausse des prix. Ensuite, la suppression d’aides à l’achat d’automobile, couplée au durcissement des conditions d’octroi des autorisations de mise en circulation, a provoqué un effondrement des ventes de voiture, première explication du ralentissement de la consommation des ménages sur l’année. On le voit, ce ralentissement de la demande intérieure est multiforme.

Ce ralentissement de la demande intérieure peut-il s’amplifier ?

Il est clair que c’est aujourd’hui la principale crainte des marchés. Pour autant, ce n’est pas notre scénario central. En effet, les autorités ne sont pas restées sans rien faire depuis l’été et la confi rmation de l’affaiblissement de la croissance. Elles ont multiplié les annonces de mesures d’assouplissement, tant réglementaires que monétaires et pour fi nir budgétaires. On est certes loin d’un plan de relance massif, à l’image de ce que l’on avait pu observer après la grande crise. On parle cette fois-ci de mesures plus ciblées et d’ampleur limitée. C’est bien d’ailleurs ce qui a ravivé les inquiétudes des marchés, constatant jusquelà un impact très faible de ces mesures sur les indicateurs publiés. Il faut toutefois être réaliste ; une partie d’entreelles ne sont pas encore en application, en raison de calendrier spécifi que ; c’est notamment le cas des mesures de réduction de l’imposition des revenus des ménages modestes, mesure qui devrait être très sensible pour l’évolution de leur pouvoir d’achat et qui sera effective à compter du 1er janvier 2019. Par ailleurs, certains modes de fi nancement d’investissement (notamment par émissions d’obligations spéciales) sont sujets à quotas annuels, validés par l’Assemblée nationale en mars. Le plein effet des mesures annoncées jusque-là devrait donc intervenir au 1er trimestre 2019 et vraisemblablement stopper le ralentissement. Il est donc encore un peu tôt pour jauger de l’effi cacité réelle des mesures gouvernementales. On pourrait donc avoir encore quelques publications décevantes avant de voir la tendance s’inverser.

Les autorités chinoises sont-elles prêtes à augmenter le stimulus de l’économie, si l’impact des tensions commerciales s’amplifie ?

La volonté du gouvernement est claire ; il n’y a, en la matière, aucune ambiguïté. C’est le message qui ressort du discours très politique du Président Xi à l’occasion du 40ème anniversaire de l’ouverture engagée par Deng Xiaoping. Nul ne dictera à la Chine sa politique et tout sera fait pour endiguer l’impact négatif des sanctions commerciales sur l’économie nationale. La communication à l’issue de la « Central Economic Work Conference » ne laisse également aucun doute sur la volonté des autorités d’éviter un ralentissement brutal de l’économie. De nouvelles mesures d’assouplissement sont donc à prévoir dans les prochaines semaines. Le Président Xi ne peut se permettre d’arriver en 2019, année du 70ème anniversaire de la création de la République populaire de Chine avec un taux de croissance ne permettant plus d’absorber le fl ux naturel de population active, soit un taux de croissance compris entre 6 % et 6,5 %. La contrepartie sera vraisemblablement un arrêt, souhaitons-le temporaire, des réformes structurelles engagées depuis quelques trimestres. C’est en effet ce que l’on peut déduire de la déclaration du gouverneur de la PBOC « le shadow banking est un complément nécessaire au système bancaire » !

Retrouvez l'article en intégralité ci-dessous.

Laetitia Baldeschi

Responsable des études et de la stratégie chez CPR AM

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