Vendredi 10 mai 2019

Points experts

Conjoncture Économique - Allemagne: Vers un ralentissement durable?

Le gouvernement allemand vient d’abaisser pour la 3ème fois consécutive sa prévision de croissance pour 2019. Après 1,8% dans sa prévision de budget puis une révision à 1% en janvier, le ministre de l’économie table désormais sur une croissance de 0,5% pour 2019. L’amélioration de l’activité ne devrait se voir que fin 2019 avant un rebond de la croissance à 1,5% en 2020.

QUEL RALENTISSEMENT EN ALLEMAGNE ?

Le ralentissement de la croissance a d’abord été expliqué par une succession de facteurs autonomes, grippe, grèves et météo, puis la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, le ralentissement du commerce mondial ainsi que les incertitudes sur le Brexit sont venus assombrir le tableau. L'économie allemande qui est très ouverte, les exportations représentent 50% du PIB contre 32% pour la France, a été plus touchée que les autres pays européens par le ralentissement du commerce mondial et par les difficultés de certains pays (Royaume-Uni, Turquie, Russie…). Enfin, la production industrielle s’est contractée à partir du 3ème trimestre 2018 avec des difficultés dans l’automobile et la chimie liées à des changements réglementaires et au bas niveau du Rhin qui a fortement perturbé les chaines de production dans ces 2 secteurs.

En début d’année, plusieurs pays européens ont connu un léger rebond de leur production industrielle, comme par exemple l’Italie, mais cela n’a pas été le cas pour l’Allemagne. En revanche, les services ont continué à croitre à un rythme soutenu grâce au dynamisme du marché de l’emploi. La divergence entre la bonne santé des services et la contraction de l’activité dans l’industrie a atteint un niveau très élevé en Allemagne. Aujourd’hui, toute la question est de savoir si cela peut perdurer ou si l’écart va se resserrer grâce à une amélioration dans l’industrie ou bien une détérioration dans les services. Il nous semble que certaines difficultés rencontrées par les industriels allemands ne sont pas liées qu’à des facteurs de court terme mais touchent aussi à la transition technologique qui est à l’œuvre dans l’industrie. Le secteur automobile en est une bonne illustration.

JUSTEMENT, QU’EN EST-IL DU SECTEUR AUTOMOBILE ?

Le secteur automobile est le 1er secteur industriel en Allemagne avec un chiffre d’affaires global de 423 milliards d’euros, soit 20% du chiffre d’affaires total de l’industrie, 5% de la valeur ajoutée totale du pays et plus de 800 000 emplois (Source : VDA 2018). Or, il est confronté à des défi s réglementaires, environnementaux et technologiques qui vont bien au-delà des changements de réglementation sur les émissions polluantes.

L’entrée en vigueur de la 1ère étape du WLTP1 en septembre 2018 s’est accompagnée de fortes perturbations des chaines de production automobile en Allemagne où les constructeurs avaient peu anticipé le changement. Une nouvelle étape est prévue fi n 2019 et pourrait également impacter la production et les ventes si certains consommateurs décidaient de repousser leurs achats pour profi ter de modèles adaptés aux nouvelles règles. Le renforcement des normes environnementales va se poursuivre dans l’automobile et fait nouveau, il est désormais soutenu par les autorités allemandes. En décembre 2018, l’Europe a décidé de durcir sa réglementation sur les émissions de CO2 sur les voitures neuves avec un objectif de réduction de 37,5 % de leur niveau d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 2021. Si les constructeurs ne s’y conforment pas, ils seront soumis à des amendes considérables. Cela leur impose de modifi er leurs gammes pour y inclure des modèles moins énergivores et de faire la part belle aux véhicules hybrides ou électriques. La même tendance est visible en Chine où les autorités ont imposé des quotas aux constructeurs automobiles pour les contraindre à vendre un pourcentage de véhicules hybrides et électriques, sous peine d’amendes. Les constructeurs allemands très présents en Chine vont devoir adapter leur production à ces nouveaux standards. Enfi n, les ventes mondiales de véhicules ont atteint un pic en 2017 et le ralentissement des ventes observé en 2018 devrait perdurer notamment en Chine. Le marché chinois qui représente le tiers des ventes mondiales, a ainsi vu le nombre de véhicules vendus baisser d’un demi-million en 2018 (à 28 millions d’unités).

QUELLES PERSPECTIVES POUR L’INDUSTRIE ALLEMANDE ?

La Fédération des industries allemandes (BDI) ne prévoit pas de hausse de la production industrielle en 2019. Par ailleurs, l’industrie allemande reste encore sous la menace d’une hausse des droits de douane sur les importations de voitures aux Etats-Unis. Enfi n, l’effet du stimulus chinois sur la demande de biens industriels allemands ne se fera probablement sentir qu’en fi n d’année. L’industrie allemande a bénéfi cié d’un cycle très porteur en répondant à la hausse de la demande mondiale de biens industriels. Le patron de la BDI, D. Kempf, estime que la croissance de l'industrie manufacturière et la force d'innovation de l'Allemagne ne pourront être maintenues « sans leadership technologique ». Les changements dans le partage de la valeur ajoutée industrielle au profi t de la technologie font que la Chine, longtemps considérée comme un partenaire important, doit désormais être vue comme un concurrent systémique. La politique industrielle de l’Allemagne doit être plus axée sur l’éducation, la recherche et l’innovation technologique que par le passé. Les industriels allemands ont les moyens de procéder aux investissements nécessaires à cette transition et peuvent s’appuyer sur un système de formation professionnelle de qualité. Les dépenses de recherche et développement ont ainsi atteint 2,9% du PIB en 2017, dont près de la moitié pour l’industrie automobile, contre à peine plus de 2% en zone euro.

Retrouvez l'article en intégralité ci-dessous.

Juliette Cohen

Stratégiste chez CPR AM

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